La ministre Bertieaux (MR) sur le nouveau décret Paysage : “On se dirige vers une augmentation de la précarité étudiante, c’est catastrophique”
Face au “détricotage” de la réforme du décret Paysage par PS-Ecolo, la ministre Françoise Bertieaux (MR) craint le pire pour les établissements et les étudiants. “C’est une proposition sauve-qui-peut !”
- Publié le 17-04-2024 à 19h02
Françoise Bertieaux (MR), ministre de l’Enseignement supérieur, n’est pas encore remise du coup de massue asséné par PS-Ecolo, partenaires de la majorité dans la nuit de mardi à mercredi. Elle présente les conséquences du texte qui vient d’être voté.
Concrètement, quelles sont les conséquences pour les étudiants ?
D’heure en heure, je découvre toutes les implications. PS-Ecolo ont deux mesures structurelles. D’abord le retour de la “réussite” à 45 crédits comme avant, cela déstructure à nouveau le parcours étudiant. Ensuite on a une remise à zéro des compteurs en cas de réorientation. Tout cela favorise le rallongement des études et l’abandon tardif. On se dirige vers une augmentation du nombre d’étudiant en situation de précarité car le rallongement a un impact direct sur la précarité qui impacte directement la réussite. C’est catastrophique ! Tout ce qu’on a reproché à la réforme Marcourt est en train de se remettre en place.
Combien coûterait la réforme PS-Ecolo-PTB ?
Ils ont une mesure surréaliste : une compensation budgétaire de cinq millions d’euros mais ils n’ont pas le moindre centime car il n’y a pas de fonds créé. Durand les années Covid, Valérie Glatigny avait immunisé l’année 2019 et créé un fonds de dix millions qui a coûté en réalité 33 millions d’euros ! Il y aura un coût sociétal énorme pour les pouvoirs publics, les jeunes et les familles sans parler des coûts indirects : les infrastructures vont devoir accueillir plus d’étudiants ce qui influe sur les subsides sociaux. Tout laisse à penser que c’est une improvisation sauve-qui-peut.
Vous reprochez aux autres l’incapacité d’expliquer leur texte, qu’en est-il de vous pour le décret Galtigny ?
La seule chose pour laquelle je ne peux donner d’explications complètes est les chiffres mais on a des tendances. Il reste encore deux sessions d’examens mais le Conseil des rectrices et recteurs (CRef) constate une augmentation de 5 % du taux de réussite en BAC1 en janvier. C’est positif car il y a plus d’étudiants inscrits. Et il faut aussi évaluer toutes les aides à la réussite pour lesquelles on a injecté 116 millions d’euros. Ce que je trouve dingue, c’est cette précipitation de PS-Ecolo à vouloir cette réforme qui met à plat tout ce qu’on a fait alors qu’il a fallu près de 10 ans pour sortir de la réforme Marcourt.
Une modification du décret de votre part était envisageable ?
On ne s’est jamais opposé à des ajustements mais on a juste dit pas maintenant car on ne change pas les règles au cours du jeu. Une évaluation est prévue en 2026 mais cela se fera bien avant, en octobre, quand on aura consolidé les chiffres de l’année pour corriger avec un décret les effets pervers. Changer au milieu du game c’est désorientant et sources de recours.
C’est-à-dire ?
Les établissements ne sont pas prêts au niveau logistique. Le système informatique a été adapté pour identifier immédiatement tous les chiffres et étudiants délibérables. Cela a nécessité de gros investissements financiers pour les établissements et c’est désormais obsolète. Quel gâchis. À côté de ça, cela va tout retarder car les équipes pédagogiques et académiques devront traiter toutes les données à la main et seront sous pression pour tenir les délais vu la quantité d’étudiants à traiter.
Cela pourrait mener à une rentrée décalée ?
Non, ça n’ira pas jusque-là. Mais pour terminer à temps, il y aura des risques d’erreurs, des chiffres faux, etc. Et les étudiants devront attendre un peu plus longtemps les résultats. C’est ingérable. Si tout flanche, ce sera le plus préjudiciable pour les étudiants.
Avec les multiples rétropédalages du PS, comment voyez-vous la plénière le 25 avril ?
Plus rien ne m’étonne mais si le texte passe, je ne sais pas quelle va être la mobilisation du monde académique. Je reçois des appels au secours du terrain. Je souhaite le moins de chaos possible. Mais ils devront assumer qu’ils ont créé les conditions du chaos. Ça me fait très peur.